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DEMARCHE ARTISTIQUE
La particularité de ma pratique artistique tient beaucoup à mon parcours professionnel.
Je me le représente toujours comme une sorte d’autoroute, avec de multiples entrées et sorties, mais une direction unique qui parfois se courbe pour atteindre de nouveaux horizons. Si je suis toujours dans le véhicule qui avance (je préfère si c'est un vélo), je ne suis pas toujours le conducteur... Et ceux qui m'emmènent savent qu’ils amènent avec eux l’ensemble de ce que je suis en tant qu’artiste, c’est à dire ma pratique (entropique et explosée) et mes obsessions (très faciles à cerner puisque récurrentes par nature). En résumé, une partie du temps, je suis un artiste pour les autres et cela influence grandement ce que je produis pour moi-même. Et inversement.
Après l’architecture, l’écosystème dans lequel j’ai évolué a longtemps été celui du spectacle vivant. C’est la raison pour laquelle la quasi-totalité de mon travail, même lorsqu’il est purement plastique, passe par un filtre dramaturgique. C’est un préalable. J’ai besoin de me raconter un histoire, de la raconter aux autres. Non pas qu’elle donne un sens à l’œuvre, mais elle la génère. C’est aussi pour cela que, dans toutes les collaborations menées sur les plateaux, je suis associé dès l’origine des projets. Je participe à raconter l’histoire, je ne viens pas l’illustrer a posteriori.
Je n’ai pas de « médium » de prédilection, et si je devais un trouver un, je dirais que « l’espace » est mon matériau de travail. J’entends par « espace » la relation qu’entretiennent les objets (et accessoirement les humains) les uns avec les autres, les tensions et les interactions que cette relation génère. Par conséquent, il est presque toujours question de volume dans mon travail sans pour autant que cela puisse se définir comme de la sculpture. Il s’agit d’espaces à éprouver, physiquement ou mentalement. Mes projets questionnent « l’espace », mais aussi les rapports d’échelle, allant du macroscopique au réel, notamment au travers des possibilités que permettent les outils numériques.
Dans ma pratique, le symbolique tient une place importante, il est souvent une représentation distordue du réel. Je réalise donc indifféremment de micro-espaces autonomes et de grands espaces immersifs à taille humaine, qui empruntent au réel, s’en font le témoin, en utilisent les codes, mais n’en sont pas forcement la représentation.
Mon univers conceptuel se situe au croisement de plusieurs thématiques de travail qui m’accompagnent depuis longtemps : la disparition inéluctable de l’espèce humaine, quels qu’en soient les moyens, une forte attirance pour une iconographie spatiale, un goût pour la science- fiction (et en particulier pour la littérature « dystopique » et l’anticipation sociale), la mise en place de « cosmogonies » autonomes... tous ces sujets de travail n’en étant probablement qu’un seul... D’une façon très globale et probablement un peu ambitieuse, je m’intéresse à l’avenir de l’humanité. Ma posture est celle d’un observateur et je travaille le décalage, l’incongru, voire le ludique, pour attirer l’attention sur un propos, une histoire.
Ma démarche artistique est donc un archipel thématique qui prend forme de multiples façons et va même se nicher dans la musique ou l’écriture. Depuis la réalisation de sortes d’énormes femmes cosmonautes grand-format à ma sortie de l'adolescence (il m’en reste encore, si vous en voulez dans votre jardin...) à̀ L’espace des jardiniers (une réflexion sur l’avenir de l’agriculture), en passant par Lunar Trash, une proposition écolo-lunaire sur notre relation aux terres vierges ou à la description fragmentaire d’un monde en sursis dans Rétrospective incomplète d’une disparition définitive, l’objet de mon travail n’est probablement qu’un seul et même souffle, qui vise à la poétisation d’un ailleurs que certains imaginent être un jour ou l’autre la planche de salut de l’humanité, mais qui n'est en réalité qu’un objectif hors de notre portée.